L’histoire de la ville
Bagnolet au moyen âge
Une communauté villageoise existait sans doute sur le territoire de la commune dès le haut Moyen Âge, bien qu'aucun vestige archéologique ne l'atteste. La première mention de Bagnolet connue à ce jour est un acte daté de 1256 de l'abbaye de Saint-Maur-des-Fossés, qui y possédait des fiefs. Jusqu'au XIIe siècle, Bagnolet n'était probablement pas dissocié de Montreuil.
Une première église consacrée à Saint Leu et Saint Gilles devait exister dès le XIVe siècle, puisque la présence d'une cure est évoquée par des documents de l'époque : le curé Regnault est cité en 1377 dans les registres du Parlement, et les registres de l'officialité de Paris indiquent que Roger de la Haye officie dans la paroisse en 1385. Malheureusement, aucune découverte archéologique n'a permis de retrouver le moindre vestige d'une église primitive. Les parties les plus anciennes ne remontent qu'au milieu du XVIe siècle.
Bagnolet apparaît pour des raisons qui ne nous sont pas connues, dans le titre d'une farce, Le Monologue du franc archer de Bagnolet, pièce de la seconde moitié du XVe siècle attribuée sans doute abusivement à François Villon, qui fustige la poltronnerie de la milice créée par Charles VII en 1448. Son héros, Pernet, raconte sur le mode comique quelques épisodes de la guerre qui permit à Charles VII de reprendre la Normandie aux Anglais en 1450. Après la création en 1445 des compagnies d'ordonnance à cheval, celle de ces régiments de fantassins recrutés parmi les roturiers, financés par la taille et exonérés d'impôts (francs), marque pourtant une étape importante dans la constitution d'une armée permanente venant se substituer au service militaire féodal traditionnel (service d'" ost et de chevauchée " que chaque vassal devait à son seigneur). Si le Monologue ne donne pas une image glorieuse de ces bourgeois en armes, cette armée de 8 000 puis de 16 000 hommes permit cependant à Charles VII de reconquérir la totalité du royaume, à l'exception de Calais. Leur débandade face aux Flamands de Maximilien I à Guinegatte en 1479 conduit cependant Louis XI à dissoudre ces compagnies en 1481 pour leur préférer les régiments de gardes suisses.
Le château de la duchesse d'Orléans
Très connu au XVIIIe siècle, le château de la duchesse d'Orléans a été un lieu prisé par l'artistocratie.
Lassée de sa résidence à Montmartre, Marie-Françoise de Bourbon, femme du Régent Philippe d'Orléans, fait ériger à Bagnolet son propre château à partir de 1719, à la place de l'actuel hôtel Novotel. Le parc, immense, atteindra près de 60 hectares.
Le château devient un lieu de rendez-vous culturels et galants apprécié par la noblesse.
En 1769, le duc d'Orléans vend le château et son parc au dernier seigneur de Bagnolet, François Ageron. Le domaine commence à être morcelé en 1770 et le château est revendu en 1781, puis démoli.
Il n'en reste plus aujourd'hui que le pavillon de l'Ermitage, au 148 rue de Bagnolet dans le XXe arrondissement.
Comme partout en Île-de-France, Bagnolet connaît, à la veille de la Révolution, des mauvaises récoltes et le rigoureux hiver 1788-1789. Comme partout, on y respecte de moins en moins les règlements de la Prévôté. Mais le village s'est enrichi sous l'Ancien Régime, et les paysans, devenus propriétaires, pratiquent une agriculture diversifiée et lucrative : le petit vin se vend facilement aux barrières, faute de concurrence, et l'arboriculture alimente la cour et la bourgeoisie parisienne en produits de luxe. Rien ne les pousse à remettre en question cette notabilité durement acquise : durant cette époque troublée et tout au long du XIXe siècle, Bagnolet sera marqué par un puissant conservatisme.
Les cahiers de doléances rédigés par les Bagnoletais lors de la convocation des États généraux de mai 1789 stigmatisent bien les derniers privilèges nobiliaires en réclamant l'égalité devant l'impôt, mais les revendications sont essentiellement corporatistes et renouvellent leur fidélité à " l'église catholique apostolique et romaine ". Les signataires, pour la plupart de riches vignerons, réclament la suppression des droits d'entrée du raisin dans Paris et le réaménagement des taxes qui frappent leur vin (le petit vin gris produit à Bagnolet subissait la même imposition que les bordeaux et les bourgognes supérieurs, ce qui pouvait tripler le prix du vin vendu au-delà des barrières). Ils réclament également de pouvoir enlever gratuitement les boues et immondices de Paris qu'ils utilisent comme engrais. Revendications bien sages que fustigera un texte pamphlétaire d'origine incertaine : le Bill des habitants de Bagnolet, Charonne et autres lieux, pour servir de suite à la pétition des Six-Corps, au nom des paysans les plus pauvres et des journaliers, nombreux dans ce type d'agriculture.
Si l'on excepte la présence de comploteurs contre-révolutionnaires réunis par le baron de Batz au pavillon de l'Ermitage, alors encore sur le territoire de Bagnolet, la commune vit cette période sans encombres mais aussi sans événements marquants. Jean-Pierre Maurice est élu maire de la première municipalité en 1790. Il ne reste pratiquement plus rien du parc et du château qui firent les " beaux jours " de Bagnolet sous la Régence. Le parc est déboisé, morcelé et loti dès 1770. En 1792, le hameau de Ménilmontant, qui dépendait de la paroisse de Bagnolet, est rattaché à Belleville, première d'une série d'amputations que connaîtra le village durant la seconde moitié du siècle suivant.
La bande de terrain qui borde les fortifications de Paris, côté banlieue, est un lieu prisé par les promeneurs du dimanche : on y trouve des jeux pour les enfants, des guinguettes pour se désaltérer…
Mais le soir, c'est un espace mal famé où l'on rencontre les bandes de mauvais garçons, qui y règlent leurs compte. Casque d'Or, l'égérie de l'une d'entre elles, les Apaches de Belleville, fut l'héroïne d'un fait divers réel, repris dans le film de Jacques Becker. Sous son vrai nom, Amélie Hélie, elle finit sa vie à Bagnolet, où elle fut enterrée en 1933.
La zone est aussi le domaine des chiffonniers et des ferrailleurs qui y habitent dans de pauvres cabanes, vivant du recyclage des déchets de la capitale. C'est pourquoi le marché aux puces se développe dès la fin du XIXe siècle jusqu'à la Porte de Montreuil.
Les équipements communaux de la fin du XIXe siècle
La croissance du petit village nécessite la construction d'équipements administratifs.
La première pierre de la mairie est posée le 24 octobre 1880 et l'inauguration a lieu le 17 juillet 1881.
La salle des mariages est décorée de toiles marouflées exécutées par Pierre Vauthier. On sait qu'Henri Rousseau (dit le Douanier) avait également concouru à leur réalisation.
Deux écoles communales sont construites derrière l'ancienne mairie.
L'école des Coutures, future école Jules Ferry, répond aux besoins de scolarisation dans ce quartier. Elle est ouverte en 1888.
Le 14 juillet, le jour de la fête de Bagnolet, le couronnement de la Rosière et les dimanches aux beaux jours, les guinguettes offrent un lieu où parisiens et bagnoletais viennent s'amuser. On peut danser rue de Paris sous une immense terrasse à tonnelle, au moulin de la Galette et sur la promenade de la Dhuys.
Boom démographique
Les travaux d'aménagement de la ville de Paris, conduits par Haussmann, le creusement du métro parisien, le développement de l'industrialisation amènent une population ouvrière dans la capitale, qui essaime ensuite dans les villes limitrophes. Dans la période 1875-1910n Bagnolet connaît son "boom" démographique, passant de 2600 habitants à 16000. La ville se développe, de nouveaux quartiers se créent, des industries s'installent, bien souvent artisanales ou de petites dimensions.
La première guerre mondiale fit 700 victimes parmi les Bagnoletais. Les élections municipales de 1919 installent un équipe municipale du parti socialiste. Et c'est en 1928 que la ville devient communiste avec l'élection du Paul Coudert qui participa activement à la constitution du parti communiste lors du congrès de Tours.
Les 27 nouveaux élus de la toute fraîche municipalité ont la lourde tâche de remettre la ville en état, adapter les infrastuctures municipales à la nouvelle démographie de la ville.
La lutte contre l'insalubrité et la misère commence par l'ouverture de deux dispensaires, l'un, privé, dans le quartier sud et l'autre communal, qui deviendra plus tard le Centre municipal de santé.
La ville achète une belle propriété sur l'île d'Oléron, La Vignerie, en 1931, qui permet à 350 enfants de passer deux mois au grand air.
Le groupe scolaire Travail date de 1931, il comprend à l'origine deux écoles primaires (filles et garçons) et une maternelle.
L'église Notre-Dame-de-Pontmain est construite en 1931, dans le quartier des Coutures. Un bombardement, en 1944, la détruit en partie et elle sera réouverte en 1947.
Crises et reprises économiques
Active au début du siècle, l'économie bagnoletaise est durement atteinte par la crise des années 30. En 1935, le taux de chômage de la ville est un des plus élevés de la Seine.
En 1947, Paul Coudert reprend ses fonctions à la tête de la ville avec comme priorité pour le Bagnolet au sortir de la guerre la modernisation de la voirie.
Il faut attendre le début des années 50 pour que la situation économique se rétablisse. C'est le secteur industriel qui domine l'ensemble de l'économie locale en regroupant 86 % des emplois, alors que disparaissent les anciens agriculteurs. Les petites et moyennes entreprises constituent l'essentiel du tissu économique. Quelques grandes entreprises nationales se développent comme Bendix (machines à laver le linge), La Cempa (cartonnages)…
Bagnolet, berceau de Moulinex
Une entreprise célèbre voit le jour à Bagnolet, il s'agit de Moulinex. Son fondateur, Jean Mantelet s'installe au n°11 de la rue Jules Ferry en mai 1929 et ouvre La manufacture d'emboutissage de Bagnolet. Le Moulin-Légumes, invention utile et bon marché, lui fait connaître le succès.
Ses ateliers bagnoletais ne pouvant s'étendre davantage, Jean Mantelet acquiert une usine à Alençon mais les bureaux resteront à Bagnolet jusqu'en juillet 1997.
L'industrie et l'artisanat est touché de plein fouet dans les années 70 : délocalisations, fermetures d'usines suppriment des centaines d'emplois.
Mais Bagnolet a amorcé une reconversion dans le secteur tertiaire, qui va être facilitée par le grand remaniement urbain.
La porte Est de Paris
La mutation urbaine a lieu dans la décennie 1960/70.
L'avenir de Bagnolet se joue sur le plan régional : le plan d'aménagement de la région parisienne prévoit sur le territoire de Bagnolet l'implantation de la jonction du boulevard périphérique et d'une voie rapide vers le nord de la France.
L'autoroute A3 est inaugurée en décembre 1969, et la jonction avec le périphérique se fait en janvier 1970.
Le métro, réclamé par les Bagnoletais depuis 1902, est enfin prolongé de 1,4 km à partir de Gambetta et la station Gallieni ouvre le 2 avril 1971.
Le programme de construction d'immeubles de bureaux, 100 000 m2 avec les tours Gallieni (1975) et Mercuriales (1977), permet au tertiaire de s'implanter, entraînant la création de plusieurs milliers d'emplois.
Des hôtels sortent du sol : Novotel, Ibis qui seront suivis par d'autres dans les années 90 jusqu'à atteindre actuellement un parc hôtelier de 1900 chambres.
De 1960 à 1975, la ville, telle que nous la connaissons, sort de terre, dans l'urgence, pour accueillir jusqu'à 37500 habitants : des Bagnoletais de souche, mais aussi des familles venues de tous les horizons, Parisiens, banlieusards, provinciaux et étrangers...
A la place des sentiers, de nouvelles rues apparaissent, les jardins sont remplacés par des barres ou des tours d'habitation. Plus de 5000 logements sont construits, ainsi que la plupart des groupes scolaires, des équipements sportifs et sociaux et culturels. Au delà du béton, il s'agit de créer des conditions de logement, de travail, d'éducation et de loisirs qui permettent à chaque habitant de mieux vivre.
Effervescence artistique
Le Bagnolet des années 70 est un centre dynamique de création artistique : des plasticiens, dont Henri Cueco, créent la Coopérative des Malassis, la recherche théâtrale est présente avec l'atelier-théâtre de Georges Aperghis, le Concours chorégraphique de Bagnolet voit débuter la plupart des grands chorégraphes d'aujourd'hui : Mathilde Monnier, Régine Chopinot, Mark Tompkins ...
Au fil des décennies qui suivent, l'urbain s'humanise : les immeubles d'habitation prennent moins de hauteur, les espaces verts et les circulations sont aménagés, les liaisons entre quartiers se dessinent. Bagnolet est prêt pour les projets du troisième millénaire.